Charles Le Moyne
En 1904, lorsqu'il entre au Collège de Longueuil comme professeur, le Frère Marie-Victorin a à peine
dix-neuf ans. À cette étape de son existence, il se passionne tout autant pour la littérature que pour la nature. La preuve
en est de son
Cercle littéraire, qu'il fonde en 1906, et dont il s'occupe avec autant d'orgueil que de joie. Parallèlement à
ses excursions botaniques, il s'intéresse à la culture et à la politique, aime la lecture et le théâtre. Surtout, il écrit.
Beaucoup. Tout le temps.
Outre son
journal intime, qu'il tiendra de 1903 à 1920, le jeune frère écrit des poèmes, des pièces de
théâtre, des résumés de lecture, des articles scientifique, etc. Il entretient des correspondances avec sa famille, sa soeur
aînée plus particulièrement, devenue soeur Marie-des-Anges, mais aussi avec des collègues et des amis.
Il compose une première comédie pour le Cercle qu'il intitule Un congé de mois mouvementé (5 novembre 1909).
Puis, l'année suivante, c'est le drame historique Charles Le Moyne.
La pièce traite de sieur Charles Le Moyne, fondateur de Longueuil. Elle demande à son auteur plusieurs
mois de travail ardu. Le résultat final est une sorte de comédie musicale où l'action s'entrecoupe de couplets chantés. Le
frère Raymondien Schüller compose la musique tandis que le frère Maxence s'occupe du décor.
Les membres du
Cercle La Salle montent la pièce. Des représentations sont données les 12, 13 et 14 mai 1910
et remportent un vif succès. Le bon frère est heureux. Il confie : " J'avais mis toute mon âme dans Charles Le Moyne et mon
âme je la sais sincère, aimante de la foi et de la patrie. J'ai dévoué ma vie au service de ces grandes causes et quand je
parle d'elles, ce n'est pas de la pitrerie " (19 mai 1910). La pièce sera reprise plusieurs fois sur les scènes de collèges
de différentes villes.
M. Son Pays
Lorsqu'il écrit, ses thèmes de prédilection sont la langue française, la place des Québécois dans le domaine
scientifique, l'importance des sciences dans le développement culturel et économique et l'importance de la science dans le
développement du peuple canadien-français. Ses textes sont toujours teintés de patriotisme,
comme en fait foi Charles Le Moyne.
C'est le cas pour sa nouvelle pièce, Peuple sans histoire, (1915) dont le thème (patriotique) et la facture s'inspirent de
ses précédentes ouvres.
Parallèlement à ses écrits littéraires, il publie, de septembre 1915 à juin 1916, une série de textes dans
Le Devoir, des Billets du soir, qu'il signe du pseudonyme M. Son Pays. Ces billets, plus que tout autre écrit, montrent bien
les convictions politiques et patriotiques de notre homme dont le but était de faire passer ce qu'il appelait " d'utiles
vérités ". Le premier texte à paraître a pour titre Not'langue et dénonce l'adoption du
Règlement 17, qui conduira en gros à l'assimilation des francophones de l'Ontario. Dès les premières lignes, on est
frappé par la beauté des images et la virulence des mots.
Hier, aux avant-postes.
C'est la rentrée des écoles. Sur la ville d'Ottawa, un beau soleil, clair comme les droits qu'on y viole, ruisselle, avivant
le vert des pelouses et le vermeil des joues enfantines. Il y a de la poudre dans l'air : le règlement 17 plane comme une
menace.
Ces billets ont du succès, encore une fois.
Récits et Croquis Laurentiens
En 1915 et 1916, il est lauréat du concours littéraire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour
La
croix du chemin (ou
La Croix de Saint-Norbert, selon l'édition) et
La corvée des Hamel, deux textes qu'il reprend dans un ouvrage à paraître en 1919,
Récits laurentiens.
Si son premier volume, La Flore du Témiscouata, était un ouvrage botanique de 125 pages (publié chez Laflamme
en 1915), les Récits laurentiens et l'autre volume qui suivra, Croquis laurentiens, ont une facture plus littéraire. Le premier
se nourrit de souvenirs d'enfance et de légendes que l'auteur tient de ses grand-mères. Le second, que Robert Rumilly décrit
comme étant " vibrant de patriotisme canadien-français ", fait plutôt appel aux souvenirs du botaniste en excursion. Les deux
ouvrages, publiés par les Frères des Écoles chrétiennes, sont bien accueillis. Mais ils sèment parfois la confusion sur la
vocation future de leur auteur. Le frère Marie-Victorin est-il botaniste ou écrivain ? Qu'à cela ne tienne, il est à la fois
savant et poète, les deux se mêlant étroitement pour ne faire plus qu'un : " C'est toujours l'observateur qui est à l'ouvre,
mais tantôt avec l'oil du scientifique, tantôt avec le regard du poète. " (Gilles
Beaudet, Le Frère Marie-Victorin, p.17.)
Mais déjà, il est ailleurs. Les projets bouillonnent dans sa tête : " il rêve d'écrire un drame sur la crise
linguistique dans les écoles d'Ontario en 1917; il aurait le goût d'écrire un roman psychologique analysant les transes d'une âme
tiraillée entre le bien et le mal ; il aimerait broder une dizaine de méditations sur des scènes évangéliques. "
(Gilles Beaudet, Le Frère Marie-Victorin,
p. 22). Son plus important projet, esquissé il y a quelques années, est déjà en branle : créer une nouvelle flore
du Québec !
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