L'accident fatal
Le frère Marie-Victorin, est âgé de cinquante-neuf ans et il revient d'un dernier et prolifique voyage à
Cuba. Entre la rédaction de la troisième série des Itinéraires et la préparation de la quatrième série radiophonique
de
La Cité des Plantes, il organise des randonnées d'herborisation avec ses compagnons. Bien qu'il commence à sentir
le poids de l'âge, il a toujours le goût de ces excursions à la campagne qu'il organise pratiquement chaque été. C'est ainsi que
le 15 juillet 1944, lui et ses compagnons,
André Champagne, Marcel Raymond, James Kuciniak et le
frère Rolland-Germain, se donnent rendez-vous au collège de Longueuil pour une de ces expéditions. Ils ont choisi de
se rendre jusqu'à Black Lake, où ils espèrent trouver une espèce de fougère rare.
Sur les lieux, plutôt que de suivre ses compagnons, le frère Marie-Victorin décide de rester dans la voiture.
Il travaille un texte pour la prochaine saison de
La Cité des plantes, qu'il a intitulé Voyez les Lis des champs. Sur le chemin du retour, il demande à ses
compagnons de faire un bref détour par
Saint-Norbert d'Arthabaska. Peu après, à la hauteur de Sainte-Rosalie, une voiture qui
roule en sens inverse vient les percuter violemment. Il est 22h30. Le choc projette le frère Marie-Victorin dans le pare-brise
qui éclate en morceaux. Sous la force de l'impact, la banquette s'est déplacée et comprime son corps contre le tableau de bord.
Son visage est couvert de sang ; il a un éclat de verre au-dessus de l'œil et la lèvre coupée. On parvient à le dégager et
à l'asseoir sur la plateforme du coffre arrière. Le frère Rolland-Germain a la jambe fracturée. Des passagers de l'autre voiture
sont aussi blessés par l'accident.
Un automobiliste qui s'est arrêté propose d'amener le frère à l'hôpital de Saint-Hyacinthe. Ce dernier refuse
d'abandonner ses amis. Il tente tant bien que mal d'avaler un comprimé de
coramine pour son cœur qui est faible, mais sans
grand succès : sa bouche est remplie de sang. Un taxi est appelé. Une vingtaine de minutes plus tard, le frère
Marie-Victorin dit à ses compagnons qu'il ne croit pas que son cœur supportera le choc et demande à recevoir les derniers
sacrements. Un prêtre de la paroisse accouru sur les lieux les lui administre. Enfin, le taxi arrive et on l'installe avec
précautions à l'intérieur, mais il meurt d'une syncope avant son arrivée à l'hôpital.
Un deuil national
Collègues et amis, collaborateurs et admirateurs, tous sont sous le choc. Les obsèques, célébrées par
l'archevêque de Montréal, Mgr Charbonneau, ont lieu à la chapelle bondée du Mont-Saint-Louis. Parmi les porteurs,
Jules Brunel,
Roger Gauthier, Georges Préfontaine, Georges Maheux,
Émile Jacques et
Pierre Dansereau. On n'a pu joindre
Jacques Rousseau, parti explorer la forêt boréale. Après la cérémonie, le convoi funèbre
transporte le corps du frère à son dernier repos sous les yeux attentifs de la foule massée sur les trottoirs de la rue
Sherbrooke.
La nouvelle est transmise par télégraphe à travers le monde : New York, La Havane, Cuba, Port-au-Prince, etc.
Les journaux commentent avec abondance la mort de l'éminent savant et les
témoignages affluent de partout. Collègues, confrères, amis, scientifiques et personnalités publiques, tous déplorent la
perte de l'éminent savant.
Suite à l'événement, Jules Brunel prend la direction de l'Institut botanique et de La Cité des Plantes, alors
que Jacques Rousseau occupe les fonctions de directeur du
Jardin botanique.
Le corps du frère Marie-Victorin repose au cimetière des Frères des Écoles chrétiennes au nord de Montréal
dans le quartier Laval-des-Rapides. Sur sa tombe, une croix porte l'épithète commune à tous les frères : " Frère
Marie-Victorin, décédé le 15 juillet 1944. "
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