Marie-Victorin 1910 - - - Plante : l'érythrone d'Amérique
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Le Journal

Marie-Victorin avec sa soeur Mère Marie-des-Anges Toute sa vie, le frère Marie-Victorin mènera de multiples combats. Si ses combats publics sont aisément identifiables à travers sa littérature, ses combats plus personnels apparaissent le plus clairement à la lecture de son journal intime (publié par les Éditions Fides, en 2004), qu'il a tenu de 18 à 35 ans, et de sa correspondance avec sa soeur Mère Marie-des-Anges (Gilles Beaudet, Confidence et combat. Lettres 1924-1944, frère Marie-Victorin, é.c.).

Dans son journal, le bon frère met de tout : des réflexions personnelles, des notes de lectures et d'herborisations, des poèmes, des coupures de journaux, des mots reçus. Il y colle des photographies, y confie ses rêves, y déverse ses angoisses. Il y fait preuve, surtout, d'un humour et d'un sens de la dérision réjouissant : " Aujourd'hui dimanche, je dépose aux pieds du Bon Maître un froissement d'amour-propre provenant d'une ridicule prétention, mais qui ne me fait pas moins souffrir. " (4 octobre 1908).

Journal 1908 L'auteur ne se censure pas. Ses joies autant que ses peines, ses convictions comme ses doutes, il les relate avec sensibilité et humilité. Le journal témoigne de son dévouement pour l'éducation des jeunes gens et de son intensité religieuse, canalisée dans l'accomplissement de sa " mission " d'éducateur et de guide spirituel pour la jeunesse canadienne-française : " Les âmes sont toujours mon grand souci et la source de mes joies et de mes peines. Ce qui me soutient, c'est l'espoir de pouvoir amener au sacerdoce ou à la vie religieuse, plusieurs bonnes âmes de mes finissants. " (6 décembre 1914)


L'homme de chair et le religieux

Croix du chemin, comté de Yamaska, Québec Le sentiment religieux chez Marie-Victorin est grand. Envahissant. Il colore tous ses gestes, chacune de ses pensées. Chaque conflit avec ses supérieurs, chaque reproche sous-entendu ou exprimé par sa congrégation le bouleverse : " Ce n'est pas tout encore. Je me vois enlever ma rénovation des voeux triennaux par un ordre de Lembecq sans savoir pourquoi. Dire que je ne pourrai aller m'agenouiller avec mes confrères au matin de la Trinité, j'en pleure ! " (4 mai 1913). En même temps, il ne peut renier ses propres convictions, même lorsqu'elles s'éloignent de celles du groupe religieux auquel il appartient.

L'homme a parfois des moments difficiles, de graves crises morales qui surviennent le plus souvent lorsqu'il se sent appelé par le démon de la chair : " Mes puissances sexuelles semblent s'exagérer - symptômes de faiblesse physique peut-être - et j'ai peine parfois à les réfréner, à dire : arrière ! Au fantôme du mariage et de ses libertés, à la suggestion, venue d'en bas, que la vie que je mène est contre nature " (19 juillet 1917). Pour sublimer ses désirs, il se lance à corps perdu dans les projets et s'intéresse à la complexe sexualité humaine, d'un point de vue biologique bien sûr ! Il questionne ses élèves, étudie la biologie des organes sexuels et se risque à " une expérience dangereuse à quelques égards, en faisant l'éducation sexuelle de quelques-uns de ces jeunes gens " (4 mars 1913). Il est, surtout, convaincu qu'on aurait tort de confondre le mal et la nature et qu'il faut bien que quelqu'un éclaire ces pauvres jeunes gens puisque la société de l'époque réprouve qu'on discute ouvertement de sexualité.


La maladie

Collège Sacré-Coeur, infirmerie Il est aussi très préoccupé par sa maladie, la tuberculose, et vivra toute sa vie en croyant sa fin proche. Dès sa première crise, il est convaincu qu'il va mourir et se désole de ne pas avoir le temps de mener à bien sa mission. Il n'a pas peur cependant de la mort. " Je quitterais la vie sans beaucoup de regret : je n'ai aimé ici-bas que deux choses : mes parents et la vérité. Ne seront-elles pas là-haut dans leur perfection ? " (22 octobre 1905). Il est triste, toutefois, à l'idée d'abandonner ses jeunes et tous ses projets.

Ironiquement, c'est cette même maladie qui le dirige vers la botanique, en l'obligeant à se retirer dans la nature pour guérir et en lui offrant du temps libre pour lire et étudier : " Mes rêves d'avenir qui dans leur ampleur réclamaient une forte santé ont été brisés. D'un autre côté la nouvelle vie que j'ai dû mener, vie de soins et de grand air, a fait de moi un naturaliste et m'a permis de me livrer à des études qui autrement me seraient restées étrangères " (27 décembre 1908).


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