Arrivée à l'Université de Montréal
En 1920, à l'Université de Montréal, les choses bougent. L'établissement vient d'acquérir son
autonomie en s'affranchissant de l'Université Laval. On vient de créer la toute nouvelle
Faculté des Sciences et on cherche quelqu'un pour la chaire de botanique. Un nom s'impose d'emblée : le frère
Marie-Victorin. Ce dernier est surpris de l'offre et, il faut bien le dire, flatté. Cela ne l'empêche pas d'être déchiré à
l'idée de laisser ses activités au Collège de Longueuil, plus particulièrement le Cercle littéraire et le Cercle des Anciens,
fruits de tant d'efforts et sources de si précieux contentements. Un accord est conclu respectant son désir : il restera attaché
au Collège, à qui il donnera la moitié de son temps, et consacrera l'autre moitié au développement et à l'enseignement du cours
de botanique de l'Université de Montréal.
Ainsi, le 24 août 1920, il est nommé professeur agrégé de botanique théorique et pratique à l'Université de
Montréal avec un traitement annuel de 600 dollars. Il a pour collègues le père
Joseph Morin, doyen de la Faculté des Sciences, le docteur
Georges Hermyle Baril, le docteur
Ernest Gendreau,
Arthur Léveillé,
Adhémar Mailhot et
Louis-Janvier Dalbis. Le frère Marie-Victorin a alors trente-cinq ans et, bien qu'il se croit peu d'années à vivre, des
projets plein la tête. Avec son entrée à l'Université de Montréal, sa carrière vient de prendre un tournant décisif.
À l'Institut botanique
La première année, le frère doit composer avec très peu de moyens : sa classe ne dispose pas de local
attitré et n'a ni bureau, ni pupitres, ni chaises. Les ressources matérielles sont à l'avenant : pas de laboratoire, aucun
microscope ni livre. Malgré tout, le nouveau professeur se jette dans l'aventure avec enthousiasme. Il compte trois élèves
dont le
frère Alexandre Blouin, le futur illustrateur de la Flore laurentienne. Les étudiants s'assoient sur des boîtes de
cartons vides pour écouter leur maître. Déjà, le frère Marie-Victorin commence à constituer son herbier : des boîtes de carton
réparties dans une centaine de casiers en bois accueillent les précieuses plantes. Le Laboratoire de botanique, qui deviendra
l'Institut botanique, vient d'être créé.
À la rentrée de 1921, il obtient un assistant,
Jules Brunel, et, miracle !, une salle au rez-de-chaussée où il installe son " département de botanique ". Les
conditions sont pénibles, le local est mal isolé, mais l'enthousiasme règne. Le frère a maintenant 6 élèves et dispose d'un
ameublement sommaire, dont des tables de laboratoire avec microscopes. Estimant qu'il est important pour une faculté de
rayonner à l'extérieur, il inaugure les
Contributions du Laboratoire de botanique de l'Université de Montréal. Cette publication
annuelle permettra au frère et à ses collaborateurs de diffuser le résultat de leurs travaux. C'est lui qui rédige la première
publication : Esquisse systématique et écologique de la flore dendrologique
d'une partie de la rive sud du Saint-Laurent.
Docteur ès sciences
En février 1922, le docteur Baril et le professeur Dalbis de la Faculté des Sciences fondent, avec d'autres
médecins, la
Société de Biologie de Montréal à laquelle se joint le frère Marie-Victorin. Le professeur Dalbis, qui est depuis
peu docteur ès sciences, et plusieurs autres incitent le professeur de botanique à obtenir son doctorat. En effet, le frère n'a
pas de diplôme et c'est bien ennuyeux pour le doyen, qui tient à en faire un professeur titulaire. La
question avait déjà été soulevée peu de temps après son arrivée mais sans développement. Pour régler l'affaire, on décide de
voter une dispense au frère Marie-Victorin pour le baccalauréat et la licence, vu ses nombreuses années d'enseignement. Il lui
reste la thèse de doctorat. Il a déjà son sujet : Les Filicinées du
Québec.
Le 22 mai 1922, il soutient habilement sa thèse devant L.-J. Dalbis, Adhémar Mailhot et le Dr Élie-Georges
Asselin, qui recommandent que lui soit accordé son diplôme. Le 13 juin, le Conseil de la Faculté des Sciences ratifie la
recommandation du jury et attribue au frère Marie-Victorin un doctorat avec " Très grande distinction ".
Enseignement
Le 22 juin 1922, le Frère Marie-Victorin est nommé professeur titulaire et élu membre du Conseil de la Faculté
des sciences. Il a toujours son assistant, Jules Brunel, et engage un aide au laboratoire,
Émile Jacques, membre du Cercle La
Salle. Le frère ne cesse d'enchanter ses élèves qui sont stimulés par ce professeur énergique qui se révèle être aussi un grand
savant. Leur professeur ne fait pas qu'exposer des problématiques, il résout aussi des problèmes et en débusque de nouveaux.
Il reçoit, en 1923, le prix David pour sa thèse de doctorat et est admis à la
Société Royale du Canada, dans la
section
littérature. Pour ses recherches et ses herborisations, il s'est constitué une équipe fidèle : le
frère Rolland-Germain,
Jules Brunel, le frère Alexandre,
Émile Jacques et
Jacques Rousseau, un nouvel élève depuis 1923, dont il a tout de suite mesuré la valeur. Avec eux, il continue d'enrichir
l'herbier du Laboratoire et d'amasser des connaissances sur la flore végétale du Québec. Il continue aussi de suivre ses anciens
étudiants. Chaque année, il participe à la retraite fermée du Cercle La Salle.
À l'hiver de 1929, le frère Marie-Victorin est appelé à donner des cours au Gray Herbarium de l'université
Harvard, à la demande du professeur
Fernald. Il renouvelle l'expérience l'année suivante : " J'ai maintenant l'habitude de donner deux cours à Harvard et
cette année je traiterai devant les étudiants de la flore africaine. "
(Gilles Beaudet, Confidences et combats. Lettres (1924-1944) Fr.
Marie-Victorin, é.c., p.77)
En 1930, alors que l'Université est en pleine tourmente, il modifie le programme de son département. Il offre
désormais deux certificats : le certificat de botanique générale et le certificat de botanique systémique. Ses fidèles
collaborateurs, Jules Brunel et Jacques Rousseau, y sont chargés de cours. Parmi les élèves se trouvent
Marcelle Gauvreau et
Pierre Dansereau. Il met aussi sur pied un programme de cours de vacances, qui attire la première année dix-neuf inscriptions.
Ainsi que le souhaite son fondateur, l'Institut botanique, qui prend officiellement ce nom en 1931, joue
désormais un rôle actif dans l'avancement des sciences au Québec. Le département, avec le frère Marie-Victorin à sa tête,
participe à la fondation de sociétés savantes, collabore à des émissions radiophoniques et à des conférences sur la science. Le
frère Marie-Victorin lui-même reçoit, en 1931, le prix David pour l'ensemble des
Contributions du laboratoire de botanique de
l'Université de Montréal.
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