À son arrivée dans la métropole québécoise, forte de son expertise à Montgeron et à la radio-télévision scolaire française, Gisèle Barret est embauchée comme chargée d'enseignement par Robert Tousignant.
Le directeur du Département des sciences pédagogiques de la Faculté des sciences de l'éducation (FSE, créée en 1965) lui confie alors le mandat de développer le programme de pédagogie audiovisuelle pour la troisième année du baccalauréat.
De son côté, Pierre devient maquettiste pour la revue hebdomadaire Sept-Jours, puis pour d’autres périodiques. Il continue à y faire du dessin et des collages humoristiques à saveur de critique sociale et politique. En parallèle, il se consacre pleinement à la peinture.
À l’UdeM, Gisèle Barret devient responsable d’un atelier d’art dramatique au Département d’orthopédagogie de la FSE. C’est là qu’elle commence à développer véritablement ce qui l’habitera pour le reste de sa vie : l’expression dramatique ou Exdra.
Dans ses propres mots, elle raconte : « J’ai passé ma vie là-dedans je dois dire. Aussi loin que je me souvienne, en 67, je passais mes nuits et mes week-ends avec mes étudiants […] avec mes propres machines, mes propres documents […]; on s’en allait à Toronto, à Ottawa, à Radio-Canada. On s’en allait partout […] et j’allais partout avec eux. » (entrevue de Gisèle Barret par Ginette Saint-Jacques, 8 décembre 1988, P0419-A-D0004).
Elle devient professeure adjointe à la FSE en 1969, et professeure agrégée en 1973. À la même époque, elle rédige aussi son premier doctorat qu’elle obtient de la Sorbonne en 1969.
À compter de cette année-là et jusqu’en 1973, elle participe au développement des premiers programmes d’expression dramatique pour le ministère de l’Éducation du Québec. Dans la foulée, elle conçoit, en 1970, le cours Media Drama et fonde l’Association des professeurs d’expression dramatique du Québec (APEDQ) en 1972. La même année, elle remporte le Children’s Theatre Association International Award.
Vers 1973, Pierre abandonne les montages humoristiques et obtient des charges de cours en arts plastiques à l’UdeM et l’UQAM. En outre, il collabore activement aux ateliers de Media Drama avec Gisèle et aux congrès de l’APEDQ, pour lesquels il se charge d’une large part du graphisme, tant et si bien qu’il devient officiellement chargé de cours d’expression dramatique à l’UdeM, en 1974.
À son arrivée à l’UdeM, Gisèle Barret est engagée comme spécialiste en audiovisuel et en pédagogie du son. Elle combine ses expertises en audiovisuel et en théâtre, acquises à Montgeron et à la radio-télévision scolaire de Paris, et qui s’inscrivent dans la mouvance de modernisation des techniques d’enseignement.
Lorsqu’elle inaugure la troisième année du baccalauréat en audiovisuel pour la Faculté des sciences de l’éducation, c’est une discipline toute nouvelle et Gisèle Barret utilise ses propres appareils ramenés de France.
Elle contribue ainsi directement à la mise en place du Centre audiovisuel de l’UdeM, ouvert en 1968.
Les archives du Centre audiovisuel sont conservées par la Division des archives et de la gestion de l’information (DAGI) et renferment une riche collection d’images en mouvement et d’enregistrements sonores portant, entre autres, sur la littérature, le théâtre et l'histoire, et réalisés avec des professeurs, des artistes, des écrivains et des scientifiques. Le fonds contient plusieurs enregistrements de cours, d’activités socioculturelles et protocolaires, d’entrevues et d’entretiens portant sur des sujets très variés.
Au total, il s’agit de plus de 20 mètres linéaires de documents textuels, près de 8 000 films et vidéos, plus de 1 800 enregistrements sonores et des milliers de photographies.
Tout au long de son parcours, Pierre Barret utilise plusieurs pseudonymes, allant du Pit ou Le Pit (basé sur le surnom affectueux que Gisèle lui donnait à Oran), jusqu’à Dumas ou Bombyx Mori, dans les années 1980.
Dès le tournant des années 1970, il réalise plusieurs collages ou photomontages satiriques sous le nom de Jonathan Oka (ou simplement Jonathan ou Oka). Pour divers journaux et revues, notamment pour le Sept-Jours et La Semaine, il critique ainsi l’actualité à travers ses montages, mais aussi avec des textes humoristiques.
De Jean Lesage, à Jean Drapeau, en passant par le mouvement syndical et la scène politique, il pose un regard critique sur la société québécoise et étrangère avec une plume quelque peu acerbe.
Dans la lignée du Pit, de M. Ronchonot ou du Schmol, il crée d’autres personnages comme Oremus et Gromulus, qu’il représente en bandes dessinées. Les montages conservés dans son fonds d’archives à la DAGI témoignent de cette époque pré-numérique où les maquettistes faisaient tout à la main.
De 1969 à 1971, Gisèle Barret est invitée par Gilles Marsolais, metteur en scène, comédien et pédagogue, à contribuer avec lui au développement et à la rédaction des premiers programmes pédagogiques d’expression dramatique. Conçus pour le primaire, le secondaire, puis pour les cégeps, les programmes relèvent du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ)
D’autres programmes, notamment en expression musicale et expression artistique, sont élaborés à la même époque afin de renouveler le cursus scolaire dans la foulée de la commission Parent.
La rédaction de ces premiers programmes amène Gisèle Barret à proposer une formation corollaire pour les enseignants. Ainsi, en 1971, elle offre le premier stage en expression dramatique et, deux ans plus tard, la Faculté des sciences de l’éducation approuve le Certificat d’enseignement de l’expression dramatique.
Elle récolte un succès important auprès de ses étudiants, bien que son approche soit parfois mal comprise par ses collègues.
Qu’est-ce que l’Exdra? Voilà assurément la question la plus fréquemment posée à Gisèle Barret au sujet de son parcours comme pédagogue… Mais la réponse à cette interrogation n’est pas si simple!
À la fois une méthode et une discipline, l’Exdra est ici présentée par Gisèle Barret :
Gisèle Barret (Réflexions, pp. 17-18)
Gisèle Barret (entrevue avec Ginette Saint-Jacques, 8 décembre 1988, P0419-A-D0004)
En résultent des ateliers où la liberté d’expression prime et où l’enseignement sort du cadre plus rigide de la pédagogie traditionnelle et remet l’humain et le corps au centre de l’interaction.
Après la rédaction des programmes éducatifs du MEQ et le développement de l’Exdra à l’UdeM, Gisèle Barret ne cessera d’approfondir cette théorie et méthode d’apprentissage dans son enseignement et ses travaux de recherche. Elle compose divers essais et ouvrages à cet égard, organise les congrès de l’Association des professeurs d’expression dramatique du Québec et voyage au Venezuela, au Mexique, aux États-Unis ainsi qu’en Europe pour développer et promouvoir cette nouvelle discipline.
Elle trouvera particulièrement écho au Portugal et en Espagne, où un groupe de pédagogues adhèrent à l’Exdra. Enfin, elle continue d’en assurer la transmission avec Pierre à ses côtés, jusqu’à sa retraite de l’enseignement en 1998.
En 1972, Gisèle Barret fonde l'Association des professeurs d'expression dramatique du Québec.
L’APEDQ organise des congrès, colloques et ateliers d’expression dramatique, en plus de publier la revue EXPRESSION, dont Pierre Barret est notamment chargé du graphisme. Gisèle Barret en assure la présidence jusqu’en 1975 et quitte le conseil d’administration en 1986.
La rédaction de ces premiers programmes amène Gisèle Barret à proposer une formation corollaire pour les enseignants. Ainsi, en 1971, elle offre le premier stage en expression dramatique et, deux ans plus tard, la Faculté des sciences de l’éducation approuve le Certificat d’enseignement de l’expression dramatique.
Après son départ, le CA de l'APEDQ renomme l'organisme l'Association québécoise des professeurs d'art dramatique. En 2023, c’est plutôt l’Association Théâtre Éducation du Québec (fondée en 2001) qui assure une mission similaire, mais distincte de l’APEDQ.
Gisèle Barret (extrait de l'entrevue réalisée en mai 2022 à l'UdeM)
En 1970, Gisèle Barret crée le cours Media Drama à la Faculté des sciences de l'éducation. Le déploiement de ce cours est inspiré de sa pédagogie audiovisuelle et de son enseignement en orthopédagogie et en art dramatique. Dans ce contexte, elle approfondit le concept de la pédagogie de l’expression dramatique. Plusieurs outils didactiques en Exdra sont alors conçus par Mme Barret pour servir dans le cadre de ce cours, parmi lesquels un cadran didactique utilisé notamment en Espagne.
Les cours de Media Drama sont souvent enregistrés et photographiés par les participants : parfois par les étudiants et étudiantes, parfois par Gisèle ou encore par Pierre. Puis, ces documents photographiques et audiovisuels sont intégrés aux ateliers subséquents.
Media Drama est à la fois le cours le plus populaire du cursus d’enseignement offert par Gisèle Barret et le plus documenté dans ses archives. Durant chaque cours, les étudiants participent à diverses « mises en train » par lesquelles ils apprennent « à jouer et à jouer pour apprendre ». Le cours sert principalement à la formation des enseignants et enseignantes en expression dramatique, qui auront à utiliser cette méthode pédagogique dans leur propre enseignement au primaire et secondaire.
En 1975, Gisèle retourne vivre à Paris, une première fois, pendant son premier congé sabbatique. Pendant son absence, Pierre tient le fort et leur correspondance quotidienne leur permet de rester en contact étroit et de veiller à la bonne marche de l'Exdra. Entre la métropole québécoise et la Ville Lumière, les deux vont tantôt se développer ensemble, tantôt en parallèle. Gisèle entame son doctorat d’État et Pierre se consacre à sa carrière d’artiste multidisciplinaire.