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« À Montgeron, nous étions extrêmement en harmonie, en symbiose, en croisement. »

Gisèle BarretExtrait de l'entrevue réalisée en mai 2022 à l'UdeM

Un deux-pièces à Paris; un théâtre à Montgeron

En 1956, Gisèle et Pierre arrivent à Paris et s’installent dans un appartement de deux pièces.

Gisèle poursuit alors ses études supérieures spécialisées en lettres modernes à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Paris.

Pendant ce temps, Pierre continue à travailler comme dessinateur de presse et publie ses dessins humoristiques dans plusieurs journaux et revues.

À propos de cette époque, Gisèle écrit « […] Pierre mon mari dessinait, surtout la nuit, alors que je lisais et écrivais dans notre lit, surtout le jour ». (Gisèle Barret, Écrire...au lit, p.4).

C’est ainsi que Pierre crée Monstres en liberté, un recueil de dessins satiriques qui lui vaudra d’être l’un des trois lauréats du Grand Prix de l’humour noir (plus précisément le prix Grandville pour le dessin).

De son côté, Gisèle obtient une licence de lettres modernes (1960), un certificat d’études théâtrales (1960) et un diplôme d'études supérieures (1961).

À partir de 1964, les Barret commencent un mandat au lycée pilote de Montgeron, près de Paris. Gisèle y enseigne la littérature et Pierre, le dessin. Ensemble, ils fondent le Théâtre du lycée pilote de Montgeron (THELEM) avec leurs collègues Serge Marion et Daniel Charlot, et organisent des activités parascolaires.

Au THELEM, les Barret produisent des pièces de théâtre et des expositions « vivantes » sur des textes de Molière, de Musset ou encore sur des poèmes de Henri Michaux.

C’est à travers cette expérimentation que les Barret développent leur enseignement inter et transdisciplinaire, mariant l’art dramatique et les arts visuels à l’expression de soi et au développement personnel des élèves.

Plus tard, Gisèle Barret fera de ce projet novateur le sujet de sa première thèse de doctorat, intitulée « Une tentative de Démocratie Théâtrale » et complétée en 1969.

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Les Barret en vacances, [ca 1960]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-A-D0003-P0060
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Gisèle Barret enseigne au lycée pilote de Montgeron, [entre 1964-1967]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0025
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Pierre Barret au THELEM, [entre 1964-1967]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0017
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Pierre Barret, 30 décembre 1957. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0468-H-D0002
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« C’est quelque chose qui va nous sauver, l’humour. »

Gisèle BarretExtrait de l’entrevue réalisée en mai 2022 à l’UdeM
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Pierre Barret travaille sur un décor pour une pièce de théâtre du THELEM, [entre 1964-1967]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0060

Suivant la Libération, le système éducatif français connaît une série de réformes et d’expérimentations liées aux idées de l’éducation nouvelle, un courant pédagogique qui s’appuie sur la participation active des étudiants à leur propre formation.

C’est dans ce contexte que naît le concept de « lycée pilote », soit un environnement d’apprentissage unique qui vise autant l’éducation scolaire que le développement de la personnalité et de l’autonomie individuelle.

Le lycée pilote de Montgeron (devenu le lycée Rosa-Parks en 2010) émerge ainsi en 1946 dans ce contexte éducatif unique et innovateur. Satellite du lycée parisien Henri-IV, il est un véritable incubateur de recherches en pédagogie et c’est là que les germes de l’Exdra seront semés par le couple Barret, à son insu.

Les lycées pilotes

  • Pierre Barret travaille sur un décor pour une pièce de théâtre du THELEM, [entre 1964-1967]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0060
  • Affiche pour la dernière présentation du THELEM : Henri Michaux, poète sauvage. Affiche créée par Pierre Barret, [ca 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0001
  • Une copie de la comédie d’Alfred de Musset : À quoi rêvent les jeunes filles. Elle contient des notes marginales écrites par Gisèle Barret, en vue de préparer la mise en scène, [ca 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0005-001
  • Comédienne étudiante lors d’une performance de la pièce À quoi rêvent les jeunes filles au THELEM, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0005-P0003
  • Comédien étudiant lors d’une performance de la pièce À quoi rêvent les jeunes filles au THELEM, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0005-P0030
  • Performance de Tartuffe au THELEM, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0007
  • Performance de Tartuffe au THELEM, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0009
  • Performance de La double inconstance au THELEM, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0024
  • Performance de Phèdre au THELEM, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-D-D0006-P0026
  • Page couverture de Stop (no 11), la revue trimestrielle du lycée pilote de Montgeron. Pierre Barret était le directeur de ce journal et Gisèle Barret y publiait régulièrement des articles. Décembre 1965. Archives UdeM, P0468-B-3-D0002
  • Page couverture de Stop (no 12), la revue trimestrielle du lycée pilote de Montgeron. Pierre Barret était le directeur de ce journal et Gisèle Barret y publiait régulièrement des articles. Avril 1966. Archives UdeM, P0468-B-3-D0002
  • Page couverture de Stop (nos 13-14), la revue trimestrielle du lycée pilote de Montgeron. Pierre Barret était le directeur de ce journal et Gisèle Barret y publiait régulièrement des articles. Juin 1966. Archives UdeM, P0468-B-3-D0002
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Le Bazar vol. 2. Page couverture. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002

Après le THELEM, les Barret et leurs collègues créent le journal étudiant Le Bazar. On y retrouve des articles, poèmes, dessins et autres expérimentations littéraires et artistiques.

Gisèle Barret en est la responsable et Pierre Barret, le maquettiste.

Le Bazar

  • Le Bazar vol. 2. Page couverture. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002
  • Le Bazar vol. 2. Table des matières. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002
  • Mini-Bazar 2, Ma vie quotidienne, par Pierre Barret. Page 1. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002
  • Mini-Bazar 2, Ma vie quotidienne, par Pierre Barret. Page 2. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002
  • Le Bazar vol. 1. Page couverture et verso. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002
  • Le Bazar vol. 1. Pages 2 et 3. [entre 1964 et 1966]. Archives UdeM, P0419-D-D0002
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Gisèle Barret et Fernand Ledoux dans les coulisses d’une émission sur Tartuffe présentée à la radio-télévision scolaire, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-A-D0003-P0005

En parallèle de l’enseignement à Montgeron et des activités du THELEM, Gisèle produit et anime des émissions pour la radio-télévision scolaire (RTS) à Paris.

Créée en 1951 par le ministère de l’Éducation français, la RTS a pour but de contribuer à la modernisation de l’enseignement. Elle produit plusieurs heures hebdomadaires d’émissions destinées aux clientèles scolaires. En ce sens, elle s’inscrit parfaitement dans la vision renouvelée de la pédagogie que tentent de développer les Barret et leurs collègues.

Ce travail permet à Gisèle d’acquérir une expertise en pédagogie audiovisuelle, laquelle marquera son arrivée et son parcours à l’UdeM. Ici aussi, Pierre collabore activement avec son épouse, notamment pour la réalisation d’un film sur le poète Henri Michaux.

En outre, c’est pour eux l’occasion de s’associer à des comédiens et réalisateurs tels que Jean-Louis Barrault, Fernand Ledoux et Philippe Pilard.

La radio-télévision scolaire

  • Gisèle Barret et Fernand Ledoux dans les coulisses d’une émission sur Tartuffe présentée à la radio-télévision scolaire, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-A-D0003-P0005
  • Gisèle Barret et Fernand Ledoux discutent de Tartuffe lors d’une émission à la radio-télévision scolaire, [ca 1966]. / Photographe inconnu. 1 photographie : épreuve n&b. Archives UdeM, P0419-A-D0003-P0014
  • Première page du brouillon d’un scénario produit par Gisèle Barret à la radio-télévision scolaire et intitulé Du texte à la scène : Phèdre. 1964. Archives UdeM, P0419-D-D0003
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Page couverture du livre Monstres en liberté de Pierre Barret, 1959. Archives UdeM, P0468-G-D0005

Créé en 1954 par Tristan Maya (Jean Maton de son nom de plume), le Grand Prix de l’humour noir récompense chaque année un écrivain, un dessinateur de même qu’un ou plusieurs artisans de la scène.

En 1959, Pierre Barret est le lauréat de l’un de ces trois honneurs, soit le prix Grandville, nommé d’après le caricaturiste Jean-Jacques Grandville (1803-1847), pour son recueil Monstres en liberté.

La même année, c’est Raymond Queneau qui reçoit le prix littéraire Xavier-Forneret pour l’ensemble de son œuvre (en particulier pour son roman Zazie dans le métro) et Simone Dubreuilh qui remporte le Prix du spectacle pour l’ensemble de son œuvre théâtrale.

Au départ, la remise de ces prix littéraire et culturel se fait dans une librairie. Pierre reçoit le sien à la Librairie Maspero, le 2 novembre. L’année suivante, en 1960, il fait partie du jury comme le veut la tradition du Grand Prix de l’humour noir.

Le Grand Prix de l’humour noir

  • Page couverture du livre Les monstres en liberté de Pierre Barret, 1959. Archives UdeM, P0468-G-D0005
  • Coupure de presse, Grand Prix de l’humour noir, 1959. Archives UdeM, P0468-D-5-D0016
  • Attestation du Président et Secrétaire du Grand Prix de l’humour noir, qui reconnaît Pierre Barret comme lauréat du prix GRANDVILLE, 1959. Archives UdeM, P0468-D-5-D0016
  • Affiche pour la première exposition des dessins de Pierre Barret, 1961. Encre sur papier calque. Archives UdeM, P0468.17
  • Spicilège de Pierre Barret sur le Grand Prix de l’humour noir, 1959. Archives UdeM, P0468-D-5-D0016
  • Bonne année 1960, création de Pierre Barret, 1960. Encre sur papier calque. Archives UdeM, P0468.18
  • Page de titre du livre Les monstres en liberté de Pierre Barret, 1959. Archives UdeM, P0468-G-D0005
« Nos étudiants étaient passionnés naturellement parce qu’on n’était pas distants, on n’était pas guindés, on n’était pas juste avec le savoir, la connaissance, etc. On pensait que l’art, l’expression, les moyens nouveaux, la modernité… Tout ça était important pour les jeunes, pour le développement. »
« On avait créé aussi un lieu. Un lieu à Montgeron où on faisait des rencontres à partir du théâtre, mais pas seulement. Il y avait beaucoup d’images, beaucoup de mouvement, beaucoup d’invités extérieurs aussi qui venaient participer, collaborer. »
« Pierre était un grand humoriste. Grand Prix de l’humour noir, évidemment… Ça l’a suivi toute sa vie, il a toujours mis de l’humour partout : dans ses cours, dans ses œuvres. Et moi j’ai mis ses dessins d’humour dans mes livres. »
Gisèle BarretExtrait de l’entrevue réalisée en mai 2022 à l’UdeM

Le départ de Paris

En 1966, le rideau du Théâtre du lycée pilote de Montgeron ou THELEM tombe pour la dernière fois.

À la suite d’un différend avec la direction de l’institution, les Barret cherchent un environnement plus inspirant et favorisant davantage la créativité. C’est alors que Pierre suggère de quitter la France pour le Québec, séduit par la Révolution tranquille et par l’ébullition artistique qui y règne pendant les années 1960.

Le 13 juillet 1967, ils s’embarquent ainsi sur le paquebot France… destination Montréal!