En 1956, Gisèle et Pierre arrivent à Paris et s’installent dans un appartement de deux pièces.
Gisèle poursuit alors ses études supérieures spécialisées en lettres modernes à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Paris.
Pendant ce temps, Pierre continue à travailler comme dessinateur de presse et publie ses dessins humoristiques dans plusieurs journaux et revues.
À propos de cette époque, Gisèle écrit « […] Pierre mon mari dessinait, surtout la nuit, alors que je lisais et écrivais dans notre lit, surtout le jour ». (Gisèle Barret, Écrire...au lit, p.4).
C’est ainsi que Pierre crée Monstres en liberté, un recueil de dessins satiriques qui lui vaudra d’être l’un des trois lauréats du Grand Prix de l’humour noir (plus précisément le prix Grandville pour le dessin).
De son côté, Gisèle obtient une licence de lettres modernes (1960), un certificat d’études théâtrales (1960) et un diplôme d'études supérieures (1961).
À partir de 1964, les Barret commencent un mandat au lycée pilote de Montgeron, près de Paris. Gisèle y enseigne la littérature et Pierre, le dessin. Ensemble, ils fondent le Théâtre du lycée pilote de Montgeron (THELEM) avec leurs collègues Serge Marion et Daniel Charlot, et organisent des activités parascolaires.
Au THELEM, les Barret produisent des pièces de théâtre et des expositions « vivantes » sur des textes de Molière, de Musset ou encore sur des poèmes de Henri Michaux.
C’est à travers cette expérimentation que les Barret développent leur enseignement inter et transdisciplinaire, mariant l’art dramatique et les arts visuels à l’expression de soi et au développement personnel des élèves.
Plus tard, Gisèle Barret fera de ce projet novateur le sujet de sa première thèse de doctorat, intitulée « Une tentative de Démocratie Théâtrale » et complétée en 1969.
Suivant la Libération, le système éducatif français connaît une série de réformes et d’expérimentations liées aux idées de l’éducation nouvelle, un courant pédagogique qui s’appuie sur la participation active des étudiants à leur propre formation.
C’est dans ce contexte que naît le concept de « lycée pilote », soit un environnement d’apprentissage unique qui vise autant l’éducation scolaire que le développement de la personnalité et de l’autonomie individuelle.
Le lycée pilote de Montgeron (devenu le lycée Rosa-Parks en 2010) émerge ainsi en 1946 dans ce contexte éducatif unique et innovateur. Satellite du lycée parisien Henri-IV, il est un véritable incubateur de recherches en pédagogie et c’est là que les germes de l’Exdra seront semés par le couple Barret, à son insu.
Après le THELEM, les Barret et leurs collègues créent le journal étudiant Le Bazar. On y retrouve des articles, poèmes, dessins et autres expérimentations littéraires et artistiques.
Gisèle Barret en est la responsable et Pierre Barret, le maquettiste.
En parallèle de l’enseignement à Montgeron et des activités du THELEM, Gisèle produit et anime des émissions pour la radio-télévision scolaire (RTS) à Paris.
Créée en 1951 par le ministère de l’Éducation français, la RTS a pour but de contribuer à la modernisation de l’enseignement. Elle produit plusieurs heures hebdomadaires d’émissions destinées aux clientèles scolaires. En ce sens, elle s’inscrit parfaitement dans la vision renouvelée de la pédagogie que tentent de développer les Barret et leurs collègues.
Ce travail permet à Gisèle d’acquérir une expertise en pédagogie audiovisuelle, laquelle marquera son arrivée et son parcours à l’UdeM. Ici aussi, Pierre collabore activement avec son épouse, notamment pour la réalisation d’un film sur le poète Henri Michaux.
En outre, c’est pour eux l’occasion de s’associer à des comédiens et réalisateurs tels que Jean-Louis Barrault, Fernand Ledoux et Philippe Pilard.
Créé en 1954 par Tristan Maya (Jean Maton de son nom de plume), le Grand Prix de l’humour noir récompense chaque année un écrivain, un dessinateur de même qu’un ou plusieurs artisans de la scène.
En 1959, Pierre Barret est le lauréat de l’un de ces trois honneurs, soit le prix Grandville, nommé d’après le caricaturiste Jean-Jacques Grandville (1803-1847), pour son recueil Monstres en liberté.
La même année, c’est Raymond Queneau qui reçoit le prix littéraire Xavier-Forneret pour l’ensemble de son œuvre (en particulier pour son roman Zazie dans le métro) et Simone Dubreuilh qui remporte le Prix du spectacle pour l’ensemble de son œuvre théâtrale.
Au départ, la remise de ces prix littéraire et culturel se fait dans une librairie. Pierre reçoit le sien à la Librairie Maspero, le 2 novembre. L’année suivante, en 1960, il fait partie du jury comme le veut la tradition du Grand Prix de l’humour noir.
En 1966, le rideau du Théâtre du lycée pilote de Montgeron ou THELEM tombe pour la dernière fois.
À la suite d’un différend avec la direction de l’institution, les Barret cherchent un environnement plus inspirant et favorisant davantage la créativité. C’est alors que Pierre suggère de quitter la France pour le Québec, séduit par la Révolution tranquille et par l’ébullition artistique qui y règne pendant les années 1960.
Le 13 juillet 1967, ils s’embarquent ainsi sur le paquebot France… destination Montréal!