Gisèle et Pierre Barret ont passé leur enfance et leur adolescence dans la ville côtière d’Oran, en Algérie.
Alors que Pierre grandit dans une famille ouvrière où son père œuvre comme électricien au chantier naval, Gisèle est élevée dans une famille du milieu de la petite-bourgeoisie.
Son père a repris la chapellerie de son beau-père, le High Life, rue Philippe, et Gisèle reçoit une éducation très classique au Conservatoire municipal. Danse, diction, piano et théâtre sont au menu pour elle, tandis que lui est forcé d’interrompre ses études pour soutenir sa mère à la suite du divorce de ses parents, en 1947.
Malgré ces expériences différentes, tous deux se passionnent pour la culture et, plus particulièrement, le théâtre. C’est d’ailleurs à la Maison des jeunes et de la culture d’Oran qu’ils se rencontrent, en 1949, alors que Pierre fait un stage d’arts plastiques à l’Association pour l'éducation artistique de la jeunesse.
Peu après, ils commencent à faire du théâtre ensemble; Gisèle comme comédienne et Pierre comme comédien et régisseur. Ensemble, ils créent une troupe de théâtre appelée La Roulotte. Cela marque le début de leur collaboration créative, pédagogique et amoureuse, qui se prolongera jusqu’au décès de Pierre en 2017.
Durant cette époque, Gisèle complète ses études au conservatoire pendant que Pierre travaille comme journaliste, dessinateur publicitaire et metteur en page de la Revue municipale d'Oran. Il est aussi directeur de l'Oranie économique, le journal du syndicat des épiciers de l’Oranie.
Les Maisons des jeunes et de la culture (MJC) sont des associations d’éducation populaire qui se trouvent dans la majorité des villes françaises à compter du début du 20e siècle.
Comme les maisons et centres communautaires québécois, les MJC organisent des activités et des ateliers culturels, artistiques et sportifs visant à permettre l’épanouissement de tous et toutes et à favoriser la participation communautaire de la jeunesse.
Encore aujourd’hui, ce sont des lieux de rencontre et de création pour les jeunes français et françaises provenant de milieux variés.
Vers 1955, Pierre Barret est directeur de la revue du syndicat des épiciers, L’Oranie économique. Chef de la rédaction, il contribue aussi à illustrer la revue de ses dessins.
L'Oranie est une région socioculturelle comprenant tout le nord-ouest de l'Algérie et située dans le Tell (تلّ) occidental algérien. C’est là que se trouve la majorité des terres fertiles et labourables du pays. Ce terme est surtout usité à l’époque coloniale française pour désigner le département d’Oran.
En arabe, l’expression typiquement utilisée pour qualifier l'Oranie est القطاع الوهراني (al-Qiṭāʿ al-Wahrānī) ou, littéralement, « le secteur oranais » ou « la partie oranaise ».
À Oran, Pierre développe sa pratique artistique. Il suit d’abord un stage d’arts plastiques à l’Association pour l'éducation artistique de la jeunesse, qui fait alors partie de la Maison des jeunes et de la culture.
C’est aussi à cette période qu’il s’initie au dessin de presse et nourrit son intérêt pour l’humour noir. Il crée alors des personnages dont M. Ronchonot suivi, plus tard, du Pit et du Schmol, créations qu’il met en scène jusque dans les années 1960 et 1970 et qui céderont ensuite place à d’autres protagonistes de son cru.
Ces dessins à la plume s’inscrivent dans la foulée du dessin satirique de l’Après-guerre et portent une critique sociale ou politique, à une époque où plusieurs journaux et revues ont des dessinateurs attitrés à cette fin.
Vers 1950, les Barret fondent La Roulotte, leur compagnie d’art dramatique, dans le cadre des Éclaireurs de France, un mouvement de scoutisme auquel Pierre participe depuis son enfance.
Au Québec, à la même époque, un théâtre ambulant également appelé La Roulotte naît à Montréal en 1952. Fruit d’une collaboration entre Paul Buissonneau et Claude Robillard, La Roulotte montréalaise présente des spectacles en plein air pour les enfants dans les divers parcs de la ville.
Au Québec comme à l’international, ces troupes indépendantes poursuivent le travail de démocratisation de la pratique du théâtre entamé à partir des années 1930.
Après quelques années de fréquentation et une complicité développée autour de la culture, le couple Barret se marie, le 20 octobre 1956. L’Algérie est alors en pleine guerre d’indépendance. Ces événements, mais surtout l’attrait de la Ville Lumière, amènent les nouveaux mariés à quitter Oran pour s’établir à Paris, le mois suivant.