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Une histoire orale du syndicalisme québécois

Une bonne partie du fonds Léo Roback est constituée d'entrevues enregistrées. Ces entrevues ont été réalisées par lui-même ou certains de ses étudiants auprès de dirigeants syndicaux en 1970 et 1979. Celles de 1979 (25 entrevues au total) ont toutes été réalisées par Roback lui-même et étaient destinées à lui servir pour un projet d'écriture de livre sur la FTQ. Malheureusement, il ne put lui-même rendre ce projet à terme, car il décéda subitement en 1985, alors que le livre était encore en chantier.

Grâce à ces enregistrements on peut se rendre compte de la grande connaissance que Roback avait du mouvement syndical québécois et de l'intérêt qu'il lui portait. Il est étonnant de l'entendre parfois se souvenir de l'année et du mois précis où se sont produits des événements qui avaient touché le monde syndical au Québec 20, 30 ou même 40 ans plus tôt ! Mais le plus intéressant dans ces enregistrements est sans aucun doute d'entendre de vive voix des personnages importants du monde syndical québécois, certains connus mais d'autres peu connus ou inconnus du grand public, raconter les événements marquants de leur vie syndicale. L'oreille avisée, attentive et sympathisante de Léo Roback nous permet de nous replonger dans le passé et d'entendre le récit de personnes ayant pris part aux combats qui ont permis de façonner le Québec moderne. C'est ainsi que nous pouvons entendre par exemple celui qui était président de la FTQ à l'époque, Louis Laberge, raconter de façon colorée son histoire depuis son enfance sur le Plateau Mont-Royal jusqu'à ses luttes contre les gouvernements provincial et fédéral dans les années 1970, en passant par les débuts de son implication syndicale dans les années 40 à l'usine Canadair et les discussions qu'il avait avec son père au sujet du syndicalisme. Une autre entrevue captivante est celle réalisée avec Émile Boudreau, acadien d'origine, qui grandit à La Tuque et commença à s'impliquer dans le syndicalisme en 1944 à la mine de Normétal en Abitibi. Ce dernier fait preuve d'un réel talent de conteur et ce fut d'ailleurs lui qui écrivit finalement le premier tome du livre sur la FTQ, suite au décès de Roback [1].

En écoutant ces syndicalistes raconter leur vie on prend conscience des grands changements qui ont marqué le monde du travail au Québec pendant le vingtième siècle et du rôle important qu'à jouer le mouvement syndical dans ces changements. Ce sont donc des documents archives, qui en plus de témoigner du grand intérêt que portait Léo Roback au syndicalisme québécois, nous donnent un reflet très intéressant de la société dans laquelle il a vécu.

  1. Louis Laberge et son opinion sur les syndicats catholiques(2 minutes 25 secondes)

    Louis Laberge fait part à Léo Roback des discussions qu'il avait avec son père au sujet de la pertinence d'un syndicat catholique. En effet, son père, en tant que charpentier-menuisier, était membre de la CTCC (la Confédération des travailleurs catholiques du Canada, l'ancêtre de la CSN) et Laberge était critique face à l'implication du clergé dans les questions ouvrières.

    Service de la gestion de documents et des archives, Université de Montréal, Fonds Léo Roback (P217), contenant 4238, AV000066, Entrevue avec Louis Laberge, 29 juin 1979.

  2. Émile Boudreau sur l'entrée du syndicat des Métallos à la mine de Normétal en Abitibi en 1950 (10 minutes 11 secondes)

    De façon très pittoresque Émile Boudreau raconte à Léo Roback comment le syndicat international des Métallos (affilié au syndicat des United Steelworkers of America) fit son entrée en 1950 à la mine où il travaillait, à Normétal en Abitibi. La mine avait déjà un syndicat (l'Association des employés de Normétal) dans lequel Boudreau était impliqué en tant que secrétaire, mais il s'agissait d'une « union de boutique », ce qui dans le jargon syndical signifie un syndicat qui manque d'indépendance face à l'employeur. Il évoque aussi comment le maire et le curé du village réagirent à cet événement.

    Service de la gestion de documents et des archives, Université de Montréal, Fonds Léo Roback (P217), contenant 4238, AV000098, Entrevue avec Émile Boudreau, 20 août 1979.

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Nous pouvons donc voir, à travers cette exposition virtuelle, qu'en dehors de son activité de professeur universitaire, l'engagement de Léo Roback en faveur du syndicalisme québécois a pris plusieurs formes au cours des années. Son engagement envers les travailleurs fut très important, bien qu'il fut moins visible que celui de certains syndicalistes connus du grand public ou que celui de sa soeur, Léa Roback, qui s'est notamment fait connaître pour son implication dans la défense des droits des ouvrières du textile à Montréal à partir de la fin des années 30 [2].

Léo Roback ne se tenait pas pour autant dans l'ombre, puisque, comme nous l'avons montré, il fut responsable d'une publication mensuelle bilingue pendant près de 15 ans. Il n'hésitait pas non plus à intervenir dans les médias lorsqu'il le jugeait nécessaire. De plus, il était reconnu dans les milieux syndicaux pour ses grandes connaissances, ce qui explique pourquoi on lui avait confié, entre autres, la responsabilité d'écrire un livre sur l'histoire de la FTQ. On peut donc dire qu'au sein du monde syndical québécois sa voix fut discrète mais forte, parce que très présente, active et influente. Nous laisserons pour terminer la parole à son collègue Bernard Brody :

«Par sa grande intelligence et un sens puissant de la justice sociale, il a laissé sa marque sur nombre de personnes. Il était avant tout préoccupé par l'amélioration de la vie de ceux qui, hors des hiérarchies et exclus des structures de pouvoir, sont laissés pour compte. Sa présence continue et multiforme sur la scène des relations industrielles visait fondamentalement le rétablissement d'un équilibre social entre patrons et travailleurs» [3].

Notes:

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©2010 Florian Daveau, François Larivée et Michel Ladouceur.

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