Émile Ollivier écrivain
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Émile Ollivier savait exactement à partir de quel moment sa vie d’écrivain prit naissance. Cet engouement pour l’écriture se produisit lors d’une visite au cabinet d’avocat de son père dans le but de lui soutirer un peu d’argent. Non dupe de la stratégie de son fils, Monsieur Ollivier demanda à Émile, tout en riant, de lui écrire une lettre en Français, et que si cette dernière ne présentait pas de faute, il allait doubler la mise qui lui avait été promise en échange de cet exercice. Émile Ollivier mentionnera dans une entrevue qu’à cet instant, pour la première fois en dehors de travaux scolaires, il écrivait avec un désir de séduction dans une langue qui lui était étrangère, le créole étant sa langue maternelle. Si ce rapport à l’écriture est apparu tôt dans la vie d’Émile Ollivier, il en est de même pour la lecture. « La littérature, très tôt, est apparue dans ma vie comme ce lieu, sûr », mentionna-t-il,
Photographie d’Émile Ollivier adossé à un mur blanc dans les années 80.
P03491FP07428puisque pour ce fils unique et élevé seul par sa mère et sa grand-mère, la littérature s’est révélée être un moyen efficace pour contrer la solitude et la folie du quotidien.
Bien que la littérature fut un refuge dans lequel plongea Émile Ollivier à un très jeune âge, il n’empêche que ce volet de sa carrière se développa de manière parallèle à sa profession d’enseignant. Loin d’être embarrassé par ce parcours, pour lui, ce « travail avec l’Université de Montréal ne jure pas avec celui d’écrivain. Il se complète ». En fait, il ne s’agit que d’une seule entité se découpant en deux volets : le volet scientifique et celui de la production littéraire.
Fortement imprégné de son passé, les œuvres d’Émile Ollivier sont empreintes d’un bagage culturel haïtien et québécois. Thomas C. Spear mentionnait par écrit lors de l’hommage qui lui fut rendu un peu après sa mort que « Haïti est resté profondément ancré dans le cœur d’Émile Ollivier; il suivait les actualités, participait aux débats, rêvait comme tant d’autres au retour dans son pays natal après la chute de la famille Duvalier et à l’avènement d’une société démocratique en Haïti ».
Lancement de l’œuvre «Les urnes scellées», automne
1995.
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Les romans d’Émile Ollivier sont le reflet de sa vie. Leur narration prend place, très souvent, dans son pays d’origine ou bien dans la métropole montréalaise. L’exil, la situation politique d’Haïti, les rapports d’oppression, l’émigration ainsi que l’identité migrante sont des thèmes abordés dans ses écrits, fortement influencés par une esthétique baroque. Les publications d’Émile Ollivier furent éditées majoritairement à Paris bien que certaines d’entre elles le furent à Montréal.
Le premier ouvrage d’Émile Ollivier à être publié à titre d’œuvre littéraire est le recueil de texte Paysage de l’aveugle (1977) qui sera mis en scène au Théâtre Noir de Paris par Benjamin Jules-Rosette du 10 au 28 janvier et du 20 au 31 mars de l’année 1984. La pièce illustrait la situation politique d’Haïti en faisant intervenir trois personnages vivant des rapports d’oppressions sous un arbre.
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Vint ensuite Mère-Solitude (1983), livre mettant en scène Narcès Morelli, dernier membre de la lignée familiale, qui, par le biais des archives familiales, tente d’éclaircir les circonstances de la mort de sa mère, jamais élucidées. Ce livre dans lequel il dépeint une société en décrépitude lui valut, en 1985, le prix Jacques Roumain. Suivent ensuite La discorde aux cents voix (1986) ainsi que Passages (1991) qui obtint le Grand Prix du livre de Montréal en 1991 et le prix Atout-Lire de 1995. Avec Les Urnes Scellées (1995), Émile Ollivier nous plonge ensuite dans le contexte des élections avortées de 1987. Nous y retrouvons Adrien et Estelle, qui, habitant Montréal depuis longtemps, décident de retourner dans leur pays d’origine, Haïti, sous prétexte de fouilles archéologiques. Mais voilà que leur séjour se transformera en enquête, puisqu’ils sont témoins du meurtre par balles et en pleine rue, de Sam Soliman, un riche veuf esseulé. Ce récit se verra octroyer le Prix Carbet, prix littéraire Antillais, en 1995. Émile Ollivier signe son autobiographie avec Mille eaux (1999) et revient aux sources avec un recueil de nouvelles intitulées Regarde, regarde les lions (2000). Repérages (2001) est le dernier roman qui sera publié de son vivant. La brûlerie (2004), à la base une trilogie, sera publiée deux ans après son décès. L’essai Repérages 2 (2011) est paru récemment.
La phrase « J’ai quitté Haïti; en revanche, Haïti ne m’a jamais quitté » de son roman Repérages résume bien l’œuvre littéraire d’Émile Ollivier.
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