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Robert Garry, un communicateur de passion

Géographe, voyageur, professeur, animateur…


Peut-être connaissez-vous l’émission Robert Garry raconte, diffusée sur les ondes de Radio-Québec dès 1984? Trente-deux épisodes ont été enregistrés de cette émission qui fut, sans contredit, un immense succès. Animée par le géographe et professeur Robert Garry, la série avait pour objectif de faire réfléchir les téléspectateurs sur le monde et ses enjeux. Elle a ainsi permis au Québec de s’ouvrir sur le monde.

En plus d’animer des émissions de vulgarisation, Robert Garry a enseigné trente-huit ans au Canada, dont la majeure partie à l’Université de Montréal. À la fois géographe, voyageur, professeur et animateur, Robert Garry a joué plusieurs rôles tout au long de sa vie. Né en France le 23 avril 1906 et décédé à Montréal en janvier 1989, Robert Garry a fait huit fois le tour du monde. Voici donc en résumé le parcours d’un grand homme autour du monde et son influence dans la Belle Province.

Le passionné de l'Asie

Robert Garry au Cambodge.
Source: Division des Archives, Université de Montréal, Fonds Robert Garry, P0175, 1FP, 06680.
Robert Garry au Cambodge. Source: Division des Archives, Université de Montréal, Fonds Robert Garry, P0175, 1FP, 06680.

Dès son plus jeune âge, entouré de parents voyageurs, Robert Garry a rêvé, à son tour, de voyages. À quinze ans à peine et avec en poche 1000 francs laissés par son père, il entreprend son premier voyage, destination: l’Espagne. L’expérience ne fait qu’augmenter son désir de parcourir le monde. Il entreprend alors des études à Paris qui permettent au jeune passionné de réaliser son objectif et choisit, d’étudier le droit, l’économie, l’administration coloniale, la géographie de l’Asie ainsi que la langue et la civilisation cambodgiennes. En 1931, il se rend au Cambodge; pays qui l’intéresse particulièrement.

Le géographe entre donc dans l’administration des Services civils du Cambodge en tant que représentant du gouvernement de l’Indochine (Cambodge, Laos et Vietnam). Ce ne fut pas très long avant que ce dernier ne tombe amoureux du pays et de son peuple. Il développe des liens très forts avec les habitants, les aidant autant qu’il le pouvait. Il reste donc au Cambodge avec sa famille jusqu’en 1946, occupant des fonctions militaires, suite au déclenchement de la deuxième Guerre mondiale, pendant laquelle Robert Garry a été fait prisonnier. À sa libération, l’ancien combattant se questionne sur son avenir. Avec en lui une envie très forte de partager ses connaissances sur l’Asie, Robert Garry contacte une connaissance travaillant au Québec, plus précisément à Montréal. C’est donc grâce au président de la Société de géographie de l’Université de Montréal, Benoît Brouillette, que la carrière professorale de Robert Garry débute au Québec. Nous sommes alors en 1947.

Le professeur et l’animateur

Robert Garry. Photographe non identifié.
Source: Division des Archives, Université de Montréal, Fonds Robert Garry, P0175, c5832, 3.
Robert Garry. Source: Division des Archives, Université de Montréal, Fonds Robert Garry, P0175.

La carrière du géographe commence non pas en tant que professeur, mais en tant que conférencier. Le président de la Société de géographie de l’Université de Montréal lui demande de donner quelques conférences sur l’Asie, puisque personne n’était en mesure de le faire. Le succès des conférences et le plaisir que prit Robert Garry à partager ses connaissances avec un auditoire ne connaissant rien de l’Asie l’amena par la suite à donner des cours. Même s’il n’obtient sa licence en géographie qu’en 1951, Robert Garry est nommé dès 1949 professeur régulier à l’Université de Montréal plus particulièrement à l’Institut de géographie, qui deviendra plus tard deviendra un Département relevant de la Faculté des arts et des sciences. Il participera d’ailleurs à la création de ce Département et en sera le directeur adjoint de 1963 à 1965.

Les cours de Robert Garry porteront sur divers sujets, pas seulement sur l’Indochine et l’Asie. En consultant la liste des nombreux cours donnés par Garry tout au long de sa carrière nous constatons que ces derniers portent autant sur différentes civilisations que sur la géographie générale, humaine ou celle du sous-développement.

Par ailleurs, la carrière d’enseignant de Robert Garry ne l’a jamais empêché de voyager. Son désir de parcourir le monde toujours présent, Garry voyage autant qu’il le peut. Dès les cours terminés, il part. Dans une entrevue accordée à la Télé-Université en février 1988, Robert Garry avoue avoir de la difficulté à identifier ses voyages les plus importants, car tous ont eu un grand impact dans sa vie. Tout de même, il mentionne ses voyages en Afrique, notamment dans le Sahara, où il fut confronté à des civilisations différentes. Le géographe y découvre des cultures, des mœurs, des traditions et des   philosophies qui s’éloignent des philosophies asiatiques auxquelles il s’est toujours senti proche. Garry retourna d’ailleurs souvent en Chine et dans les pays qui formaient auparavant l’Indochine, soit le Cambodge, le Laos et le Vietnam. Il voyagea cependant également en Amérique du Sud. Au cours de ses nombreux voyages autour du monde, le professeur Garry rapporta une collection de près de 35 000 diapositives. Cette vaste collection lui attirait de nombreux étudiants. Garry s’en servait pour appuyer ses propos. Ce que ses étudiants étaient en mesure d’apprécier

En 1971, Robert Garry prend sa retraite en tant que professeur régulier du Département de géographie. Cela ne l’empêcha pas de continuer à enseigner, mais cette fois en tant que chargé de cours à la Faculté de l’éducation permanente (FEP) et ce, jusqu’en 1985. Garry y prend un plaisir fou. En effet, les cours de la FEP s’adressaient à un très vaste auditoire formés d’étudiants ou d’auditeurs libres provenant de tous les horizons qui choisissaient ces cours par passion. Des foules d’étudiants se présentaient ainsi pour assister au cours du professeur et les locaux n’étaient jamais assez grands pour que tous puissent y entrer. Robert Garry aimait particulièrement recevoir des étudiants qui n’y connaissaient rien sur l’Asie de l’Est. Cela lui permettait de mettre à profit ses talents de raconteur. Il rencontra ainsi des étudiants intéressés par les modes de vie des peuples de l'Inde et du Cambodge.

Plusieurs universités invitèrent Robert Garry à donner des cours à titre de professeur invité afin que leurs étudiants puissent également profiter de sa grande expertise sur l’Asie. Il fut ainsi invité par les universités Laval, d’Ottawa, de Moncton, ainsi que par l’Université du Québec à Chicoutimi et à l’UQAM. De plus, l’Université d’Ottawa lui décerna, en 1972, un doctorat honoris causa afin de reconnaître sa grande carrière universitaire.

Robert Garry était un homme très occupé. En plus d’offrir des cours dans différentes universités, il menait une carrière de conférencier et d’animateur d’émissions de vulgarisation. Robert Garry donna ainsi plus de 1000 conférences dans différentes universités au Canada et ailleurs dans le monde ainsi qu’à la radio et à la télévision. L’orientaliste réalisa aussi plusieurs émissions sur les ondes de Radio-Canada, Radio-Québec ainsi qu’à Télé-Métropole. La série de trente-deux émissions Robert Garry raconte, diffusée à Radio-Québec vers la fin des années 80, a été d’une grande popularité. Elle lui a permis de traiter d’innombrables sujets préoccupants les téléspectateurs, comme l’origine de l’être humain, les groupes ethniques, l’animal humain, etc. En utilisant un vocabulaire compréhensible et en vulgarisant l’information, l’émission a ainsi rejoint un vaste public. Le contenu très dense de l’émission empêchait cependant son animateur de transmettre toute l’information qu’il aurait voulu ce qui frustrait beaucoup Robert Garry, dont l’objectif était de « faire réfléchir un peu les gens, sur ce qu’il se passe dans le monde, sur la dégradation de l’environnement, et possiblement donc, les encourager à transformer leur comportement ». (1)

Ses grandes connaissances sur l’Indochine lui ont également permis d’agir entant que personne-ressource auprès des médias lorsque ceux-ci avaient besoin d’un expert pour commenter la situation sociopolitique et économique de l’Indochine.

Parallèlement à ses nombreuses tâches et responsabilités, Robert Garry fut membre de plus de vingt sociétés savantes. Il fut entre autres vice-président de la Société canadienne des études asiatiques et président de l’Association québécoise pour les études asiatiques. Il est donc possible de conclure que Robert Garry fut un des précurseurs de l’enseignement de l’Asie de l’Est au Québec, en plus d’avoir eu un grand impact sur la recherche de ces pays.

Les impacts de son enseignement

Robert Garry (au centre). Photographe non identifié. Source: Division des Archives, Université de Montréal, Fonds Robert Garry,P0175, c5832, 1.
Robert Garry (au centre). Photographe non identifié. Source: Division des Archives, Université de Montréal, Fonds Robert Garry,P0175, c5832, 1.

Grâce à sa présence dans les médias, Robert Garry a aussi été un grand éducateur populaire, réussissant à rejoindre des publics variés et à leur transmettre sa passion et ses connaissances pour la géographie. Tous les critiques le qualifiaient de conteur extraordinaire, capable de captiver ses auditeurs. Ses émissions ont souvent été reprises et discutées. Robert Garry avait, selon plusieurs, cette capacité der approcher « le permanent du contemporain », c’est-à-dire de relever l’importance de ce qui a toujours existé afin de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

En tant que professeur, Garry a également grandement influencé ses étudiants. Ceux-ci étaient curieux et devenaient à leur tour, des passionnés de géographie. Certains anciens étudiants ont même continué leurs études afin de se rendre en Asie ou en Afrique et d’y faire carrière. Voilà pourquoi tous considèrent Robert Garry comme un grand homme qui a aidé le Québec à s’ouvrir au monde. Le professeur Garry a donc laissé des traces de son enseignement de diverses manières. On lui doit également la création, en 1976, du Centre d’études de l’Asie de l’Est. Ce centre, qui fait partie de la Faculté des arts et des sciences, a pour mission « l’enseignement, la recherche, l’animation scientifique et le développement des collections documentaires dans le domaine des études est-asiatiques ». (2) Le centre est reconnu comme étant très actif dans la recherche sur les pays est-asiatiques. Il peut aussi compter sur le Centre de documentation Robert Garry, qui a pour objectif de soutenir et de référer les étudiants et les chercheurs. Le Centre possède plus de 40 000 documents, en français, en anglais ainsi qu’en langues coréenne, japonaise et chinoise. Il s’agit de la plus grande collection de ce genre au Québec. Une partie de celle-ci provient d’ailleurs de la collection personnelle du professeur Robert Garry, offerte en don au centre. En 2005, le Centre de documentation s’est associé aux bibliothèques de l’Université de Montréal et sa collection a été intégrée au catalogue informatique Atrium.

Le grand homme qu’est Robert Garry s’est donné corps et âme tout au long de sa vie afin de faire valoir sa vision du monde. Tous ceux qui l’ont vu à la télévision, l’ont écouté à la radio ou dont il a été le professeur sont d’accord pour dire qu’il avait à cœur la fraternité entre les civilisations. La connaissance était selon lui le meilleur remède aux maux de ce monde. Son message d’internationalisation était en effet une caractéristique importante de son discours. Il désirait fortement la paix entre les civilisations, une union entre tous les hommes. Garry finissait souvent ses entrevues avec cette magnifique parole de Lyautey, qui, dit-il, a fondé sa vie: « On ne peut rien faire sans une parcelle d’amour ».

Cet article a été écrit par Noura Elmobayed-Langevin et Rémi Rouleau.

Notes

1. Garry, Robert. Environ 1985, P 0175, B1, 5.

2. Université de Montréal. Centre d’études de l’Asie de l’Est. www.cetase.umontreal.ca/index.html (consultée le 8 avril 2011).

3. Ce texte a été originalement produit à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, de l’Université de Montréal, dans le cadre du cours ARV1056-Diffusion, communication et exploitation, donné au trimestre d’hiver 2011 par Monsieur Yvon Lemay.

Bibliographie

Dion, Michel (prod.). 1988. Rencontres du GERFI: parcours international. Louis Sabourin rencontre Robert Garry. Université du Québec: Télé-Université, VHS, 57 min.

Division de la gestion des documents et des archives, Université de Montréal. Fonds Robert Garry (P 175), Séries B1 (Documents de nature biographique/Carrière), C1 (Enseignement/Notes de cours, plans et bibliographies),  D (Conférences), E (Textes et enregistrements d’émissions), J (Photographies).

Division de la gestion des documents et des archives, Université de Montréal. Fonds Robert Garry P 175. www.archiv.umontreal.ca/P0000/P0175.html (consultée le 11 avril 2011).

Université de Montréal. Centre d’études de l’Asie de l’Est. www.cetase.umontreal.ca/index.html